Nouvelle rubrique Objectif Métropoles « L'intelligence artificielle face au défi de l'intelligence écologique »
« L’intelligence artificielle s’impose progressivement dans nos vies, nos territoires et nos villes. »

L'intelligence artificielle face au défi de l'intelligence écologique

L’intelligence artificielle s’impose progressivement dans nos vies, nos territoires et nos villes. S’il est sans doute déjà impossible de la dissocier de notre quotidien, cette technologie promet aussi d’être un levier incontournable face aux défis du changement climatique. Dans un monde où la numérisation est galopante, la question n’est plus de savoir si l’on peut vivre avec ou sans l’IA, mais plutôt à quel prix ? Anticipation des risques climatiques, gestion intelligente des ressources, optimisation des mobilités… Dans un monde où le climat change plus vite que nos infrastructures, l’IA semble une réponse incontournable au développement d’outils favorables à la résilience. Les modèles déjà existants et ceux à venir offrent aux territoires une longueur d’avance pour protéger les habitants.

Algorithmes boostés par l’IA
Grâce à l’analyse de millions de données météorologiques et environnementales, l’IA permet de prévoir les inondations ou les vagues de chaleur avec une précision inégalée.
C’est le cas par exemple des indicateurs fournis par The Climate Company qui accompagne le réaménagement de territoires, comme le Lamentin en Martinique, sous le prisme climatique. Les réseaux électriques « intelligents » utilisent eux-mêmes des algorithmes boostés par l’IA. Ainsi, de plus en plus de villes équilibrent en temps réel l’offre et la demande d’énergie renouvelable. Ce faisant, elles réduisent l’empreinte carbone tout en limitant les pics de consommation. Embix, partenaire de projets urbains comme ceux de Paris Batignolles ou de Lyon Sollys, en est un utilisateur aguerri pour la conception et l’exploitation de leurs réseaux. Transports publics ajustés aux flux réels, réduction des embouteillages grâce à des capteurs connectés… là aussi, l’IA réinvente la manière dont nos villes « respirent ». Depuis 2019, Singapour teste une IA optimisant les opérations portuaires. Elle répartit les espaces d'ancrage pour éviter accélérations inutiles et attentes prolongées, réduisant par là même l'empreinte carbone des navires. Hub majeur en Asie, le port utilise IA et big data pour fluidifier ses flux de conteneurs et améliorer ses services logistiques. Ces initiatives s'inscrivent dans la stratégie nationale d'IA visant à faire du pays un leader mondial d'ici 2030.
L’empreinte écologique de l’intelligence artificielle
Mais si ces outils ouvrent un champ des possibles immense, leur coût, bien souvent invisible, l’est tout autant.
En début d’année, les incendies dramatiques de Los Angeles ont donné lieu à un débat médiatique sur l’implication des data centers, très nombreux en Californie. Au cœur des discussions notamment, se trouvaient les fortes consommations d’eau qu’ils engendrent pour les rafraichir. Sans vouloir alimenter la polémique, il faut tout de même souligner qu’à l’échelle mondiale, les technologies numériques seraient déjà responsables de 4% des émissions de gaz à effet de serre. Une empreinte carbone en constante augmentation dont l’ADEME prévoit même un doublement d’ici fin 2025. Derrière chaque algorithme, il y a des data centers consommant des quantités astronomiques d’électricité et nécessitant des systèmes de refroidissement gourmands en eau. Les infrastructures numériques reposent aussi sur des matériaux rares dont l’extraction et le traitement pèsent lourdement sur l’environnement. À titre d’exemple, entraîner un modèle d’IA générant des prédictions complexes peut émettre autant de CO2 qu’un vol transatlantique. Une autre étude menée en 2019 par des chercheurs de l'Université du Massachusetts à Amherst et rapportée par le MIT Technology Review, a montré que la mise au point du modèle de langage GPT-3 aurait émis autant de CO2 que cinq voitures sur leur durée de vie.
Quel est le coût énergétique d’un prompt ?
À la lecture de statistiques valorisées par une plateforme française dédiée à l'intelligence artificielle, Prompt Facile, où l’on apprend qu’environ un milliard de requêtes quotidiennes sont déjà effectuées dans le monde par quelque 300 millions d’utilisateurs actifs, on peut s’adonner à un petit calcul.
Chaque requête sur ChatGPT nécessite environ 2.9 Wh, ce qui est 10 à 25 fois supérieur à la consommation d'une recherche Google, en raison de la complexité et de la puissance de calcul requises par le modèle d'IA. Cela représente donc une consommation d’électricité de 2.9 GWh par jour ou 2.9 Wh3 par prompt en moyenne selon la complexité des réponses générées, soit environ 1 058 GWh sur une année. Pour comparaison, la consommation moyenne annuelle d'un habitant français est d’environ 2 223 kWh3. Cela signifie qu’un an d’utilisation de ChatGPT, équivaut déjà à la consommation annuelle d’une ville de 476 000 habitants, soit une ville comparable à Lyon ou Toulouse. Un résultat, toute chose égale par ailleurs, ne prenant ni en compte la courbe exponentielle de son usage, ni l’empreinte environnementale du développement des modèles, ni celles de tous les autres usages de l’IA existants ou à venir. L’apport de l’IA est indéniable. Il n’est évidemment pas question de le contester. La révolution technologique doit être un allié. Pour autant, il semble nécessaire de s’interroger sur la façon dont elle peut se conjuguer avec l’impérative réduction de notre consommation d’énergie. Comment nos territoires peuvent-ils réussir ce pari où l’innovation fait preuve de responsabilité ? Comment faire une place durable à un « cerveau » numérique sur une planète aux ressources finies ? C’est bien à cette question qu’il convient de répondre aujourd’hui.